Méditation et pleine conscience à l’école : une pratique à développer ? [Retour d’expérience]
J’ai eu la chance durant le 3e trimestre de proposer le programme P.E.A.C.E ® dans une école auprès d’une quarantaine d’élèves de CM1 et CM2.
PEACE : mais qu’est-ce qui se cache derrière ce sigle à connotation anglophone ? Ces 5 lettres signifient dans ce contexte : Présence, Ecoute, Attention, Concentration dans l’Enseignement. Des qualités susceptibles d’apporter un peu de paix dans le monde de l’école ? peut-être bien …
Ce qui m’a amenée jusque là
En juillet 2020, je me suis formée à ce programme auprès de l’AMLE (Association pour la Méditation Laïque à l’Ecole), dans le but « d’apporter en milieu scolaire et éducatif une pratique de présence attentive et de développement de l’attention ».
J’ai en effet, parmi mes amis et connaissances, plusieurs enseignants de primaire et secondaire qui me parlaient régulièrement de difficultés rencontrées dans le cadre de leur travail, en lien avec une baisse d’attention et de concentration de leurs élèves, mais aussi des problèmes de confiance en soi, de gestion des émotions, de violence non contenue, etc.
Moi-même enseignante à l’époque, j’observais dans mon travail que beaucoup d’élèves avaient du mal à se sentir bien dans leur peau, à exprimer leurs ressentis, et leur mal-être grandissait au fil des mois sans que le système ne parvienne à les aider à vivre mieux leur scolarité.
C’est d’ailleurs ce constat qui m’avait amenée à la sophrologie, que j’ai étudiée pendant 3 ans. Suite à l’obtention de mon diplôme en 2018, j’ai fait plusieurs spécialisations pour appliquer la sophrologie auprès des enfants, ados, collégiens & lycéens, ainsi que des profils atypiques (DYS, multipotentiels, HPI, TDAH …).
J’ai vu dans cette formation l’opportunité d’approfondir l’aspect « méditation » de la sophrologie, et d’obtenir une certaine légitimité à intervenir dans les écoles.
Afin de la valider et d’obtenir l’accréditation pour devenir « Instructrice PEACE », je devais réaliser un stage de 10 semaines auprès d’élèves. Le COVID et mon congé maternité m’ont obligée à repousser ce stage, mais en 2023, tous les feux étaient au vert !
Méditation à l’école : les enjeux du débat
Le chemin pour réaliser ce stage n’a pas été simple.
En 2021, un député a soutenu le projet de mettre en place, en partenariat avec le Ministère de l’Éducation Nationale, une expérimentation pour mesurer les effets de la méditation et de la pleine présence auprès de classes de différents niveaux.
Il y a alors eu une levée de bouclier de la part de plusieurs acteurs : les associations de parents d’élèves, la Ligue des droits de l’homme, la Ligue de l’enseignement …
Les arguments invoqués étaient que la méditation pouvait amener à des dérives sectaires, risquait de nuire à l’esprit critique des élèves, de nuire au principe de laïcité, et de jouer le jeu des théories New Age, etc…
Je ne vais pas rentrer ici dans le débat, vous pourrez trouver un grand nombre d’articles publiés à cette époque, de tous points de vue.
En tout cas, j’ai mesuré le décalage entre les craintes évoquées par les dénonciateurs, et la réalité de mon vécu lors de la formation.
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- « C’est aussi la laïcité qui est menacée, car ce courant est d’obédience bouddhiste » => La laïcité est le leitmotiv de la formation. La méditation orientale d’origine bouddhiste a été très médiatisée, mais de tout temps, et de part le monde, l’homme médite, au-delà des cultures et des religions. Un pêcheur qui attend que morde le poisson est en train de méditer, d’une certaine façon. La méditation à l’école est transmise sous l’angle de pleine présence. Être présent à soi, à son corps, à ses sensations, à ses émotions, afin de mieux se connaître, mieux se comprendre
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- « Il y a la crainte de l’altération de l’esprit critique » => Alors cette affirmation, je ne la comprends pas. Au contraire, l’esprit critique est développé ici. Car quand on se connaît mieux, on sait mieux s’écouter, affirmer ses envies, ses besoins, ses limites. Faire confiance à ses propres ressentis.
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- « Personne ne va pouvoir maîtriser ce que les opérateurs mettent dans les contenus » => Et bien si, justement, puisque les séances se font en présence des enseignants et/ou des animateurs dans le cadre du périscolaire. L’intervenant n’est pas seul avec les élèves. S’il y avait dérapage, l’adulte présent pourrait vite le signaler.
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- La méditation reste dans la sphère privée, et que l’on trouve d’autres pistes pour la relaxation » => Quelle méconnaissance du contenu de ce programme : il ne s’agit pas ici de relaxation, mais de pleine présence. On apprend pas aux élèves à devenir tout mous, on leur apprend à ressentir, à être pleinement vivant, dans l’accueil de leurs émotions.
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Ce contexte de peur, de crainte, ne facilite pas la mise en place de séances de méditation/pleine présence dans les écoles. Certaines académies y sont pourtant plus favorables, et les retours d’expériences sont très positifs.
J’ai l’impression que beaucoup de ces peurs sont fondées sur la méconnaissance de ce qui est proposé. Davantage de communication entre les acteurs permettrait d’amener un peu de bon sens et de remettre au cœur des décisions le bien-être des élèves.
J’entends tellement de personnes en séances individuelles me dire « Mais pourquoi on n’apprend pas ça à l’école !? ». Eh oui, des techniques si simples, qui ne demandent aucun matériel, simplement notre attention, notre respiration, notre joie de découvrir… trop simple peut-être ?
Face à la complexité du débat au sein de l’éducation nationale, et le temps nécessaire pour monter un dossier et faire valider mes interventions au sein de l’école, j’ai proposé d’intervenir dans le cadre périscolaire. Cette demande a été acceptée, portée par la collectivité en charge de ce temps d’accueil.
Retour de mon expérience
J’ai donc passé 10 semaines avec 2 classes, de niveaux CM1 et CM2.
10 séances de 30 minutes pour chaque classe, à une heure pas toujours facile : 11h30-12h30, juste avant le repas, au moment où les ventres gargouillent, animés par la faim (je crois que c’est la sensation qui est la plus ressortie dans les temps de partage ! 🙂 .
J’ai pu voir les élèves évoluer au fil des séances. Les plus réfractaires sont devenus les plus impliqués. Les plus timides se sont mis à parler. Les plus agités ont petit à petit trouvé une forme de sérénité. Certains élèves qui disaient ne jamais avoir eu d’émotions identifiaient quelques semaines plus tard qu’ils avaient ressenti de la colère.
Ce programme est très bien construit. Chaque semaine, un thème différent est abordé, dans l’ordre suivant :
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- conscience du corps
- conscience de la respiration
- ancrage, équilibre
- concentration et attention
- accueil et identification des émotions
- faire circuler les émotions
- confiance en soi
- bienveillance pour soi
- bienveillance pour l’autre
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Chaque séance contient de courts temps d’échange et beaucoup de pratiques variées. Ces pratiques ressemblent beaucoup à la sophrologie. On pratique assis, debout, souvent en mouvement, et toujours de manière ludique et créative.
Résultat du travail sur les qualités, objectif = booster sa confiance en soi. Plusieurs élèves ont exprimé ne se voir aucune qualité, avoir un niveau de confiance en soi à zéro. Durant l’exercice, les camarades leur ont trouvé des qualités qu’ils ne soupçonnaient pas, c’était très émouvant !
La dernière séance a été consacrée au partage. Les élèves ont réalisé un arbre avec l’aide de leurs animateurs. Ils l’ont appelé « L’arbre à émotions ». Ils y ont accroché des ressentis, des mots, des conseils pour les futurs élèves de l’école.
Je leur ai aussi demandé de remplir un blason constitué de 4 cases : le mouvement qu’ils ont préféré / leur trésor (qualités qu’ils se reconnaissent) / leur kiff durant ce programme / leur compost (les pratiques qui leur ont moins plu)./
On a testé une dégustation en conscience, autour d’un petit apéritif. Prendre le temps d’observer, humer, toucher, écouter un aliment avant de le savourer… une expérience qui leur a demandé beaucoup de patience 😉
Et puis pour finir, les élèves volontaires ont animé un des exercices qui leur avait plu, auprès de leurs camarades. C’était un moment joyeux et captivant.
Cette séance bilan a été très émouvante. Globalement, les élèves ont exprimé que ces séances les aidaient à se sentir plus calme, à mieux contenir leur énervement, à être plus concentré, à mieux identifier leurs émotions, à avoir plus confiance en eux.
Les animateurs ont aussi observé des évolutions positives dans le comportements des élèves, même pour les plus récalcitrants, ou pour ceux qui avaient l’impression de ne pas avoir retenu grand chose de ces séances (car oui, il y a aussi des élèves qui ont moins adhéré, ou qui ont eu du mal à fermer les yeux, à rester debout, à écouter en silence, à se concentrer, à apprécier certains exercices…).
Je ne pensais pas que les élèves avaient retenu autant de choses, ce bilan m’a fait prendre conscience que ces séances ont permis de déposer des graines, qui germeront, ou non, au bon moment.
Photo prise le dernier jour, mouvement de l’arbrisseau … pour travailler ancrage et équilibre !
J’espère recroiser le chemin de ces écoliers, et poursuivre l’aventure dans d’autres écoles, d’autres classes, afin de cultiver la conscience qu’on a déjà beaucoup de ressources en soi, qu’on a le droit de ressentir, de s’écouter, de s’exprimer.
Il n’y a aucun dogme, aucune idéologie dans ce que je transmets. Il s’agit simplement pour moi d’amener plus de conscience et d‘acceptation de qui l’on est, pour apprendre à prendre soin de soi, dans le respect, le partage et l’ouverture.
Joli programme, n’est-ce pas ? Qu’en pensez-vous ?
Si vous souhaitez me contacter pour la mise en place du programme PEACE, vous pouvez me joindre au 07 89 31 32 23, ou contact@camillerizard.fr, ou ici.
Je propose aussi des séances individuelles, pour petits (à partir de 4 ans) et grands !